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LES POLITIQUES EUROPÉENNES : ENTRE MISE SOUS TUTELLE EFFECTIVE DES FEMMES ET DÉCLARATIONS ALTERNATIVES NON-CONTRAIGNANTES

 

Les États membres de l’Union européenne coopèrent dans le domaine de la répression policière contre les migrant/e/s et celui de la restriction et du contrôle du droit d’asile. Ils tendent ainsi à harmoniser par le bas leurs politiques migratoires et à verrouiller davantage encore les frontières de l'Europe.

DÉPENDANCE CONJUGALE ACCRUE, DROIT AU SÉJOUR RESTREINT

La directive européenne 2003/86/CE sur le regroupement familial, publiée le 22 septembre 2003, après plusieurs années de discussion, témoigne de ces politiques restrictives et minimales.

Dans les considérations, le Conseil de l’Europe déclare que les membres d’une même famille devraient accéder à un statut indépendant du regroupant, même en cas de séparation des époux, et que la directive doit être mise en œuvre sans faire de discrimination fondée notamment sur le sexe ou l’orientation sexuelle. Mais ces prémices louables sont en contradiction complète avec les articles qui suivent, qui limitent le regroupement familial et institutionnalisent la dépendance. Ainsi, il peut être demandé au regroupant d’avoir séjourné régulièrement pendant deux ans dans le pays d’accueil avant de pouvoir être rejoint par sa famille (chap. IV, art. 8). Mais sa demande de regroupement familial pourra alors être rejetée si sa vie conjugale n’est plus effective (chap. VII, art. 16). Comment pourrait-elle encore l’être après deux ans de séparation imposée par le pays d’accueil ?! Si, malgré tout, le regroupement est obtenu, ce n’est pas le même type de titre de séjour que celui dont dispose le regroupant (souvent muni d’un titre long séjour) qui est délivré aux membres de la famille, mais un titre de séjour d’un an renouvelable (chap. VI, art. 13). Il est ensuite possible de les faire attendre cinq ans avant qu’ils obtiennent un statut indépendant de celui du regroupant (chap. VI, art. 15). Enfin, en cas de rupture conjugale, les États membres ont le droit de ne pas renouveler ou de retirer le titre de séjour du rejoignant (chap. VI, art. 15 et 16). Des contrôles de vie commune peuvent également être effectués à l’occasion du renouvellement du titre de son séjour (chap. VII, art. 16).

Étant donné que la majorité des rejoignants sont des femmes et que le phénomène des violences conjugales en Europe a une grande ampleur, cette directive n’est pas en faveur de l'égalité des hommes et des femmes. Au contraire elle fournit aux conjoints des moyens supplémentaires de pression et d’assujettissement de leur épouse : chantage “ aux papiers ”, fausses déclarations de rupture de vie commune, confiscation des courriers administratifs ou du passeport, refus de fournir les documents nécessaires à un dossier de titre de séjour...

Les violences conjugales et la domination masculine concernent toutes les femmes, mais avec de telles dispositions légales, les femmes non ressortissantes de l’Union européenne se voient doublement discriminées . Ces lois contribuent donc à l’aggravation des violences faites aux femmes, en rendant les femmes étrangères dépendantes, sur le plan administratif, du bon vouloir de leur conjoint.

 

DES OUTILS EUROPÉENS EN FAVEUR DE L’AUTONOMIE DES FEMMES MIGRANTES

De nombreuses résolutions et recommandations adoptées par l’Assemblée parlementaire européenne constituent des alternatives, sur lesquelles nous pouvons nous appuyer dans notre lutte, aux mesures répressives et inégalitaires des États membres. Elles les invitent notamment “ à adopter, en matière de politiques migratoires, des décisions efficaces visant à multiplier les opportunités de migration légitime ” (résolution 1337), “ à reconnaître aux femmes immigrées le droit à un permis de travail indépendant de leur situation familiale ” (recommandation 1261) et à accorder un titre de séjour aux victimes de l’esclavage domestique (recommandation 1523), de la traite (résolution 1337 et recommandation 1545) et de la prostitution forcée (recommandation 1325). En matière d’asile, l’Assemblée parlementaire invite les Etats membres “ à tenir compte des persécutions fondées sur l’appartenance sexuelle, ainsi que de la menace spécifique que représente l’extrémisme religieux pour les femmes ” (recommandation 1261), à accorder le droit d’asile aux femmes et aux filles susceptibles de subir des mutilations sexuelles (résolution 1247), des crimes d’honneur (résolution 1327) et aux victimes de viol comme arme de guerre (résolution 1212)1.

 

UN OBJECTIF ENCORE À ATTEINDRE : L'ÉGALITÉ CONCRÈTE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES

En matière d’immigration, les directives européennes n’établissent pas à proprement parler de discrimination entre les sexes. Néanmoins, l’égalité pour être réelle doit tenir compte des situations concrètes dans lesquelles se trouvent les individu/e/s. En 1983 la loi Roudy, suivant une directive européenne de 19762, reconnaît la notion d’égalité concrète dans le domaine de l’emploi. Du fait des rapports sociaux de sexes, les lois sur l’immigration devraient également prendre en compte cette notion. En effet, les violences conjugales étant essentiellement des violences masculines contre les femmes, l’interaction entre situation conjugale et administrative représente une discrimination exclusivement envers les femmes, même si les hommes époux de ressortissantes de l'Union européenne ou venant par le regroupement familial sont soumis à cette même dépendance.

Par la ratification de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), tous les États membres de l’Union européenne se sont engagés à “inscrire dans [leur] constitution nationale ou toute autre disposition législative appropriée le principe d’égalité des hommes et des femmes, si ce n’est déjà fait, et à assurer par voie de législation ou par d’autres moyens appropriés, l’application effective dudit principe” et à “prendre toutes les mesures appropriées, y compris des dispositions législatives, pour modifier ou abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l’égard des femmes” (article 2).

Les engagements pris par ces États doivent aussi s’appliquer aux femmes migrantes.

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1- Du côté des ONG, le Lobby Européen des Femmes (www.womenlobby.org), coalition d’organisations de femmes de l’Union européenne, suit de près les politiques européennes et agit pour inciter les institutions européennes à prendre des mesures en faveur de l’égalité femme-homme. Le LEF a publié un document en 2002 intitulé “ Renforcer les droits des femmes dans une Europe multiculturelle ”.

2- Directive 76/207/CEE du Conseil de l’Europe, datée du 9 février 1976 et relative à la réalisation de l’égalité entre femmes et hommes dans le domaine de l’emploi.

 

Références :

Assemblée parlementaire : http://assembly.coe.int

Parlement européen : http://www.europarl.eu.int

Journal officiel de l'Union européenne : http://europa.eu.int/eur-lex/

 

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